L’école des métiers d’art

l'abbaye

L'école des métiers d'art

CRÉATION DE L’ÉCOLE SAINT-JOSEPH OU ÉCOLE DE MÉTIERS D’ART

Dom Hildebrand de Hemptinne est élu Abbé de Maredsous en 1890. Il arrive de Beuron (Allemagne), l’abbaye «mère» de Maredsous. Depuis longtemps, il s’intéresse à l’art et anime à Beuron un atelier d’art florissant.

Dès le 30 novembre 1890, il présente à la communauté le voeu qu’il a fait de construire un établissement d’enseignement destiné à des enfants pauvres, projet apte – il l’espère – à susciter l’éveil de nombreuses vocations religieuses. Son projet primitif n’est pas de créer des sections d’art mais, plus modestement, de former des menuisiers, des forgerons, des plombiers et des cordonniers.


Mais le Père Pascal Rox va faire évoluer le projet initial de son Abbé car il a la vision d’un Moyen Age monastique idéal où les monastères auraient disposé d’écoles d’art adonnées à l’orfèvrerie sacrée, à l’émaillerie religieuse, à la reliure de manuscrits liturgiques, à la sculpture, au mobilier d’église et à la confection de vêtements du culte.

Devenu, en 1903, directeur de l’École Saint-Joseph, le Père Pascal Rox pourra y mettre ses idées en pratique.

LA PREMIÈRE PÉRIODE DE L’ÉCOLE (1903-1914)

C’est dans cette optique pédagogique que l’École s’ouvre, en 1903, avec 9 élèves. Elle ne comprend alors que le bâtiment central de l’ensemble d’aujourd’hui. Dom Hildebrand l’a conçu comme une sorte de manoir anglais des XVe~XVIe siècles, réminiscence du temps où il fut prieur d’Erdington.

Mais l’École se développe si bien que, dès 1908, on construit les deux ailes latérales, d’après les plans du Père Sébastien Braun; on y installera des ateliers de modelage et de dessin.

Il est bien établi qu’on formera, non pas des artistes, mais des artisans, dotés – outre leurs capacités techniques – d’une certaine formation générale: lire, compter, écrire avoir des notions d’art, de manière à devenir d’excellents exécutants de projets d’ oeuvres d’art, fournis par des artistes, De cette époque héroïque et pionnière restent des oeuvres remarquables, la plupart réalisées pour l’abbaye même – et de style néogothique naturellement – comme des reliures précieuses, des vêtements liturgiques, des châsses et autres pièces d’orfèvrerie religieuse, du mobilier d’église. Certaines oeuvres importantes sont destinées à des clients extérieurs. Mais la guerre de 1914-1918 casse cette expansion et, en 1919, la communauté de Maredsous, qui finançait entièrement l’École, songe à la supprimer.

LES ATELIERS D’ART (DEPUIS 1919) ET LA RÉOUVERTURE DE L’ÉCOLE (1922).

En 1919, Dom Célestin Golenvaux – qui a suivi, en vue d’un enseignement à l’Ecole, des cours d’orfèvrerie – propose une solution alternative et d’attente : ouvrir des ateliers de production, y engager des ouvriers formés à l’École, travailler pour des clients extérieurs. Des sections d’art d’avant 1914, on ne conservera que l’orfèvrerie, l’émaillerie, le travail du bois (ébénisterie, sculpture). Broderie et reliure disparaissent. Si les commandes sont suffisantes, une partie des bénéfices serait réinvestie dans l’École que l’on pourra ainsi rouvrir.

Or, celle période d’après 1918 correspond à l’émission d’emprunts d’État, fort bien convertis en faveur des «régions dévastées» par la guerre, essentiellement celles de la Flandre et du Hainaut occidentaux. Il faut, en effet, reconstruire entièrement de nombreuses églises et y installer du mobilier liturgique au sens le plus large du terme. Simultanément, la Campine charbonnière à l’Est d’Anvers est en plein développement et il faut doter de lieux de culte les nouvelles cités ouvrières.

Les commandes affluent et stimulent l’esprit de créativité du personnel d’encadrement à l’École où règne, depuis son atelier de dessin, le P. Sébastien Braun. C’est l’époque d’entre-deux-guerres où le style néogothique jette ses derniers feux face â un vigoureux mouvement d’art sacré moderne auquel les Ateliers de Maredsous vont se rallier.

C’est aussi en ce temps de splendeur que le P. Remacle Rome va tenter de lancer des produits de lutherie : violons altos, violoncelles, fabricats de haute valeur reconnue par Eugène Ysaïe. Mais la commercialisation s’en révèle désastreuse et la production est interrompue.

UNE RÉVOLUTION TRANQUILLE

Le directorat du Père Pascal Rox avait été celui de l’enthousiasme des commencements; celui du P. Laurent Matthieu (après la première guerre), de l’organisation. Mais le projet de l’École restait inchangé, par la volonté même de Dom Célestin Golenvaux devenu Abbé en 1923. Celui-ci veut que l’on continue à former des artisans de haut niveau mais non des artistes exprimant, dans leurs oeuvres, leur génie propre.

Le directorat du Père Ambroise Watelet (depuis 1939) sera celui d’une révolution tranquille; l’École a maintenant quelque trente ans d’âge. Elle reste de taille petite : une quarantaine d’élèves seulement, tous internes, ce qui stimule de multiples échanges avec les professeurs (dont beaucoup sont moines et forment l’encadrement), le développement d’un «esprit d’école», les activités culturelles extérieures enrichissantes (concerts, expositions, voyages). Aussi, le but initial de l’École. qui était de ne former que des artisans, des exécutants haut de gamme mais non des artistes originaux, devient-il de plus en plus difficile à tenir, d’autant que les meilleurs éléments formés à l’École sont sollicités, par la clientèle, à créer des oeuvres d’art personnelles.

C’est pourquoi le Père Anselme Gendebien, directeur chargé de la formation générale dos élèves et remarquable professeur d’histoire de l’art, va oser, en accord avec le directeur, cette révolution tranquille; former désormais des artistes. Les fruits seront nombreux et, pour beaucoup d’entre eux, de haute qualité. Faut-il citer quelques noms ? Félix Roulin, Jean Williame, Émile Souply,… En 1951, on créera même une nouvelle section: la céramique, confiée au professeur Owczarek, de Paris.

VERS LA FIN DE L’ECOLE DES MÉTIERS D’ART (1964)

Dans l’après-guerre la renommée de l ‘Ecole et des Ateliers s’accroît au niveau international : ils sont présents dans les expositions où ils recueillent de Grands Prix.

En 1958, le P. Grégoire Watelet devient directeur. Il ouvre l’Ecole à des échanges internationaux, notamment avec la Suisse. Sa qualité d’architecte donne des horizons nouveaux aux travaux des élèves toujours davantage invités à créer. Mais, en 1964, pour diverses raisons, l’abbaye rend effective la fusion de l’École de Métiers d’art avec l’École artisanale de Namur. Telle sera l’origine de l’I.A.T.A. (Institut des Arts et Techniques Artisanales).

À l’issue de ces quelque soixante années d’existence, la place qu’a tenue l’École apparaît considérable. Centre de formation artistique précoce, elle a eu un rôle important dans la province de Narnur d’abord mais bien au-delà : partout où essaimeront les nombreuses générations d’artisans de haut niveau et d’artistes formés par elle.

En effet, créée à l’origine pour diffuser des oeuvres inspirées du néogothique religieux, l’École – comme d’ailleurs, en parallèle, les Ateliers d’art – s’est largement ouverte aux nouveaux et puissants courants artistiques qui font de la période d’entre-deux-guerres (v. 1919 – v. 1939), une grande époque de l’art riche de créativité dans tous les domaines.

DESTIN DES LOCAUX DE L’ÉCOLE DE MÉTIERS D’ART.

Excentrés par rapport à l’abbaye, les locaux de l’École d’art sont occupés, à partir de 1984/86, par le «Centre informatique et Bible», dirigé par le Frère Ferdinand Poswick, Centre aujourd’hui transféré, en face de l’École, à «Emmaüs».

Dès 1973, une autre partie des locaux de l’ancienne Ecole abritait les riches collections scientifiques constituées par le P.Grégoire Fournier(+1931I). Pour les mettre en valeur et, notamment, les montrer au public, par roulement lors d’expositions temporaires de haute qualité, une A.S.B.L. «Centre Grégoire Fournier» (C.G.F.) avait été créée sous la présidence du professeur Conil, U.C.L. (+1990). Sur place, au prix d’un grand labeur servi par sa compétence et animé d’un enthousiasme sans faille Ie P. Gisbert Ghysens (+1993) – et, aujourd’hui M. Van Genabeek – avait entrepris le reclassement et une nouvelle présentation de ces collections prestigieuses toujours conservées à l’étage de l’aile Nord du nouveau Centre d’accueil.

En 1996, sous le vocable «Centre d’accueil Saint-Joseph», les locaux de l’ancienne école remplacent la «Clairière» et le «Foyer » bien connus des touristes et des pèlerins de Maredsous.

DESTIN DES ATELIERS D’ART

Ceux-ci, créés en 1919, ont continué à fonctionner après le transfert de l’École d’art à Namur (1964). Leur dernier catalogue, de 1968, énumère leurs productions: aménagement et décoration, mobilier liturgique, orfèvrerie, émaillerie, dinanderie, marbrerie, céramique, ébénisterie, soit l’équivalent de 4 sections: orfèvrerie-bijouterie, de travail du métal dans la tradition mosane-dinantaise, de travail du bois et enfin de la céramique.

Celle-ci, la dernière créée en 1951 est aujourd’hui la seule à maintenir la grande tradition des Ateliers de Maredsous sous l’impulsion d’Antonio Lampecco, maître-potier et artiste de renommée internationale.

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