SILENCE ET CARÊME

SILENCE ET CARÊME
 
Lorsqu’il était au désert, à la fin de son séjour, Jésus a été tenté. Il a vibré au voisinage du mal, il a éprouvé ce que c’est que la connivence avec le péché. Et il en était sorti en proclamant avec une certaine angoisse de l’urgence : convertissez-vous; croyez à la Bonne Nouvelle.

Sur le Thabor, son humanité vibre de nouveau, cette fois-ci au voisinage de la gloire divine. Le temps d’un instant, d’un éclair, il éprouve dans tout son corps la présence de la gloire du Père. Son humanité est tout entière de connivence avec celui qu’il n’a jamais quitté, avec le Père. Mais ici, ce n’est pas Jésus qui délivre un message. C’est le Père : celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le. Ici aussi, il y a urgence. S’il n’y a pas d’angoisse dans l’appel, il y a en tout cas une sorte de supplication : écoutez-le.

Mais, lorsque Jésus descend de la montagne avec ses disciples, il leur confie tout de même un message qui reste un peu mystérieux. Il leur demande de se taire, de ne pas faire état de l’expérience qu’ils viennent de faire, de ne pas partager ces quelques instants privilégiés qu’ils viennent de vivre. Du moins ,jusqu’à sa résurrection. Après l’invitation à se convertir et à croire à la Bonne Nouvelle, après l’invitation à reconnaître et écouter le Fils bien-aimé, voici maintenant l’invitation au silence. Y a-t-il moyen de concilier tout cela ?

Est-ce à un silence vide que Jésus invite les disciples ? Quand il a parlé de la prière, Jésus a demandé qu’on évite les exclamations qui attirent l’attention. Il a voulu, au contraire, qu’on entre dans le secret et le silence de la chambre, là où le Père voit dans le secret. Et quand Jésus lui-même a passé de longues heures en prière, la nuit ou au lever du jour, nous avons tout lieu de penser que c’était aussi dans le silence.

Ne serait-ce pas un des sens possibles de la recommandation de Jésus ? Un tel secret doit d’abord se porter dans le silence de la prière. Il a d’abord besoin de longues heures de prière silencieuse pour développer toutes ses richesses, pour pouvoir tout simplement être porté. Un peu comme si Jésus disait : commencez par prier le secret qui vient de vous être partagé, commencez par prier la gloire de Dieu dont vous venez d’être les témoins, commencez par entendre, dans la prière, la voix du Père qui s’est adressée à vous.

Jusqu’à la résurrection d’entre les morts. Jusqu’à ce que votre silence soit visité par la force de l’Esprit Saint, jusqu’à ce que l’Esprit Saint vous rappelle les paroles que je vous ai dites, jusqu’à ce que l’Esprit Saint vous donne de pouvoir porter ce que vous ne pouvez pas encore porter maintenant.

Peut-être qu’il y a aussi quelque chose de cela dans le silence auquel nous sommes davantage invités pendant le Carême. Non pas taire la résurrection du Christ – ce serait taire notre foi – mais la porter davantage comme un secret reçu, la prier davantage dans le silence de la chambre. Porte close, pas comme les disciples au lendemain de Pâques, mais comme celui qui veut que, dans le secret, le Père puisse lui dire à lui aussi : tu es mon fils bien-aimé, en toi j’ai mis toute ma complaisance.

Le Jubilé demande que la terre soit laissée au repos, pendant un an. Le Carême demande aussi que nos paroles laissent un peu place à ce repos que le silence peut procurer. Pourvu qu’il soit habité par le regard du Père et ce qu’il nous a révélé en son Fils transfiguré.

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