CÉLÉBRER LE CARÊME

CÉLÉBRER LE CARÊME
 
Voici revenu le temps du Carême. Et avec lui la question de savoir comment nous allons “faire” notre Carême, comment nous allons le fabriquer, quelle figure nous allons lui donner. Avec ce que cela suppose d’efforts de notre part, de restrictions ou au contraire de choses en plus. Avec le risque de centrer notre attention sur nous-mêmes, sur ce que nous sommes capables de faire, et, probablement le plus souvent, ce que nous sommes incapables de faire.

Nous l’oublions sans doute trop. Le Carême est d’abord une célébration. Une célébration de la résurrection du Christ, vue un peu comme en creux, de dos, comme Dieu qui ne se montrait pas autrement à Moïse.

Quand tu jeûnes, lave-toi, parfume-toi, habille-toi comme pour une fête. Quelle fête, sinon la fête de ce désir d’être nourri que Dieu a inscrit dans notre coeur ? Quelle célébration, sinon celle du Dieu qui a choisi aussi de répondre à ce désir ? Y répondre et même le combler. Jeûner, c’est retrouver la racine de ce désir. Célébrer le Dieu qui peut vraiment répondre à ce besoin que nous avons de recevoir un sens à toute notre vie. Il y a beaucoup de faux dieux qui veulent répondre à cette question. Nous voulons jeûner de ces dieux-là pour mieux être nourris par celui qui a voulu être notre pain de vie, pour mieux le célébrer.

Le Carême nous invite aussi à prier. Qu’est-ce que la prière sinon la célébration de cette conversation incessante qui existe entre le Père et le Fils, dans cette langue commune qu’est pour eux l’Esprit-Saint ? Jésus nous demande d’y entrer discrètement, en fermant la porte derrière nous. Ne pas faire de la prière une manifestation bruyante qui va chercher tout ce qui peut nous accrocher. Mais en faire une célébration du silence de Dieu, du silence qui est en Dieu, un silence qui est bien capable de dire tout ce que Dieu veut nous dire. Le Carême nous invite aussi à jeûner de toutes les voix qui veulent couvrir ce que le Père et le Fils se disent ainsi dans le murmure d’une brise légère.

Le Carême nous invite à partager. Pas simplement distribuer. Mais faire du partage une célébration de ce que Jésus a fait quand il a multiplié le pain, quand il a dit : prenez et mangez, prenez et buvez. Jésus nous demande de ne pas le faire de manière voyante, en visant le spectaculaire, mais de le faire quasi naturellement. Faire du partage une célébration de cette confidence de Jésus : Tout ce qui est à moi est à toi et tout ce qui est à toi est à moi. Le Carême nous invite aussi à jeûner de tout ce qui peut déformer cette merveilleuse façon d’être à l’autre et de le recevoir, sans qu’il soit question de savoir qui donne et qui reçoit.

Ce Carême est celui de l’année du Jubilé. C’est une raison de plus d’en faire une authentique célébration. Même les Cendres doivent nous y inviter. Elles aussi nous parlent d’une certaine façon en creux. Elles nous rappellent le besoin que nous avons de nous convertir ; donc, elles nous disent que nous sommes pécheurs. Mais cela ne sert à rien de célébrer le péché, si ce n’est pas pour en célébrer le pardon. Cela ne sert à rien de nous torturer le coeur, si ce n’est pas pour célébrer le fait que Dieu soit bien capable d’accueillir toutes nos faiblesses et encore bien au-delà. De les accueillir et de les brûler au feu de cet amour sans lequel aucun Carême ne peut être un vrai Carême. Je souhaite que le nôtre soit vrai.

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