SAINT BENOÎT ET L’EUROPE

SAINT BENOÎT ET L’EUROPE
 
En Belgique, on parle beaucoup de l’Europe depuis le début de ce mois-ci. Saint Benoît, que nous fêtons aujourd’hui, est un des patrons de l’Europe, avec saint Cyrille et saint Méthode. Qu’est-ce que saint Benoît peut nous suggérer, en ce moment où les citoyens que nous sommes sont invités à se laisser sensibiliser à cette réalité importante ? Qu’est-ce qu’il peut nous suggérer au moment où comme croyants, comme Eglise du Christ, il y a une parole ou un geste qui sont attendus de notre part ?

Evidemment saint Benoît ne vit pas à notre époque. Il n’a même pas eu le projet de fonder des monastères dans tous les pays qui font l’Europe d’aujourd’hui. C’est venu après lui. Mais il a quand même quelque chose à nous dire. L’Europe, pour nous, c’est souvent et d’abord la disparition des frontières. Dans un certain espace, nous n’avons plus besoins de passeports ; nous pouvons aller et venir ; les marchandises peuvent aller et venir ; bientôt la monnaie elle-même pourra aller et venir. Tout cela fait que nous sommes de plus en plus en contact avec des gens différents, avec des pays différents, avec des mentalités différentes. Il faut nous habituer à ne plus parler nécessairement des étrangers, il faut nous habituer à considérer tous ceux et celles que nous rencontrons comme des personnes qui ont droit à tout notre respect.

 

Saint Benoît attend cela des moines qui vivent en communauté. Il envisage que, dans sa communauté, il y ait des gens très différents, qui sont appelés à vivre ensemble, à poursuivre le même idéal, à vouloir mettre en œuvre le même Evangile. Il y a des nobles, mais aussi des esclaves ; et nous savons quelle différence cela faisait autrefois. Il y en a qui sont plus âgés, des vieillards, mais il y a aussi des enfants. Il y a des prêtres et d’autres qui ne le sont pas. Il y en a qui savent lire et d’autres qui n’en sont pas capables. Des bien portants et des malades. Des forts et des faibles. Et il y a même ceux qui ne font pas partie de la communauté, qui arrivent en frappant à la porte du monastère et auxquels le portier doit répondre au nom de tous. Saint Benoît ne met pas de frontières entre tous ces groupes différents. Il veut les voir être ensemble, vivre ensemble, se parler, se supporter, avancer vers le même but.

 

Saint Benoît n’a pour cela aucun « truc » à donner. Il sait très bien que c’est difficile, que cela ne réussit pas toujours, qu’il y a des échecs et qu’il faut toujours se montrer capable de recommencer. Mais s’il a été choisi comme un des patrons de l’Europe, il faut que ce soit parce qu’il a quelque chose à apporter ; sinon cela ne sert pas à grand chose. Je pense à ce respect qu’il nous demande d’avoir pour toute personne. Ce qui est une manière d’inviter à trouver cette part de vérité qui est chez chacun, la valeur qui est en lui et qui a quelque chose à nous dire de l’homme, de l’humanité, donc aussi de Dieu.

 

Il y a déjà près de cinquante ans, un des grands esprits du siècle dernier disait que, dans le futur, nous aurions besoin de beaucoup de liberté intérieure. Pour échapper à toutes les formes de violence, de pression, à tout ce qui peut endommager l’esprit de l’homme, l’image de Dieu qui est en lui. Il me semble que saint Benoît peut encore nous apporter quelque chose dans ce domaine. Etre capable de renoncer à toutes les formes d’esclavage, être capable de se laisser conduire ou reconduire au plus profond de soi-même, pour y trouver tout ce qui peut nous faire vibrer aux choses de l’homme comme aux choses de Dieu.

 

C’est un long effort, un très long effort. Saint Benoît peut nous prendre par la main pour nous y conduire. Il faut le lui demander, sans jamais nous fatiguer, sans jamais nous laisser abattre même par notre propre faiblesse. Et toujours nous souvenir que la liberté intérieure, cela s’appelle aussi le salut, le rachat, la rédemption.

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