Radicelle

Les arts

Radicelle

Radicelle

          Il te revient, radicelle de mes désirs, il ne tient plus qu’à toi, aussi seule que tu sois, puisque tu les résumes tous, par accord tacite autant qu’unanime, et que tu es pour eux leur bien-fonds, leur cohérence à eux, leur espérance, leur créance, leur intention, d’aller plus avant au travers des matières, de la glèbe ordinaire, du limon, chercher l’eau, d’entre deux fleuves, s’il le fallait, voire ailleurs où elle se recèle, car sans elle, le tout des troncs, des frondaisons, de l’écorce aux grumes se dessèche, racornit et fait si triste, presque posthume, laisse au reste de vie son masque de cire ou de cendres sinistres.

          L’eau que tu suces, tu l’ingères pourvu qu’elle vienne, sans t’embarrasser de ses sources, de sa clarté, de ses robes, de son reflet, sans qu’on ne sache qui boit et qui se donne, tant à vous deux, c’est tout comme, la connivence, l’avers, l’aval, le face à face.

          Aux gorges goulues de ta bouche enfantine, elle est tienne. A peine introduite, la novice, elle est sève déjà. Toute brute et gaillarde, elle est sans apprêts, mais l’âme des étrennes. Elle se plaît en tes veines voraces quand celles-ci s’émeuvent et te pressent d’aller quérir plus avant, jamais arrière, selon ta dignité de premier élément, tes qualités, le mérite ou de tes germes une évidente virulence.

          Es-tu consciente de la revanche que tu opères ? L’univers est si morne tant que tu ne lui as dit, tant que tu n’as pris langue avec lui pour lui poser des défis, soutenir le combat, en dépit des plus arides constats, garantir la victoire du rêve sur l’état des choses, commun, habituel, auquel chacun se résout puisqu’il redoute avant tout d’être surpris, de peur qu’il ne s’émerveille, au ressenti d’une fraîcheur pareille ? Et tu es là, bon pied, bon œil, gorgée, généreuse, prête à l’assaut, les mains nues.

          Etant donné qu’en dehors de toi, rien n’est encore à moi, te l’ai-je assez dit ? c’est à toi de jouer désormais, pour le compte de cet homme amputé où l’audace lui aurait jadis octroyé droit de cité au pays des artistes, du talent pour lui-même, au pays des mille sources de l’inspir, le long des rues, à la fontaine des places ; sans doute, au détriment de l’argent, des honneurs, mais à la différence, il a préféré creuser son lit, au calme, à l’écart, où tu viennes le rejoindre, t’abreuver, te nourrir à la vague de ses larmes.

          Aussi, mignonne, façonne l’avenir, entreprends la revanche, fais-moi le plaisir d’aller au plus loin de tes délires ; cheville jusqu’à la fissure des marbres, aux fentes de leurs bétons, aux lézardes des moellons, jusqu’aux farces, à la bourre, dans la masse des dessous, que l’on cache, que personne ne sache, et même si, sur ton parcours, tu surgissais en plein dans mes propres déboires, enflés de bile, de fiel et de sels, jusqu’à ce que sourde celle pour laquelle je m’alanguis et tu frétilles, l’onde de l’espoir.

          Pas de quartiers, il faut que tu tranches, que tu forces l’avenir, au risque de devenir une authentique, la superbe racine. C’est dans l’ordre des choses qu’au retour de ta sève transfigurée aux lumières d’en haut, on élabore, on fonde sur toi des projets. Alors, refuses-en les sournois aux rampants, les faisceaux d’arguments concordants, érige-toi plutôt franchement en travers des complots, sois un incontournable, l’irrésistible pivot.

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